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ArtDo

et -and

Kitanodai Ensemble

présentent 

"MIYABI"

Danse - Chant-

Musique

Direction - Director : Yoichiro IGUCHI

Mise en scène - Staged by : Ado HUYGENS

Quand l’expérience est trop dense, intense, surprenante, au-delà de votre propre imaginaire, elle exige du temps pour se traduire en d’autres formes d’expressions que celle originaire du « vécu ».

L’ultime semaine que j’ai passé début novembre 2015 au Japon pour les répétitions et « peaufinage » de la mise en scène de Miyabi s’est révélée devenir un espace d’accueil, d’écoute, de rencontres, de veille-sans-sommeil, de méditation, d’étonnement, d’adaptation… une forme nouvelle d’athanor où l’alchimie de la présence et de l’absence, de l’élan vital et de la mélancolie peuvent enfin se métamorphoser en leur expression sensible la plus fondamentale : celle que d’aucuns appelleront « ART ».

Y a-t-il une existence possible sans art et le monde qu’il ouvre, interpénètre non sans avoir dans un premier temps bouté le feu aux anciennes croyances ?

De manière intuitive, sans arrière-pensée, je présente début des années 2000 les représentations de Gagaku pour Kitanodai Ensemble. Du lien se tissent, du sens effleure la gangue de l’étrangéité… De fil en aiguille, je deviens en 2012 le metteur en scène d’une soirée qui s’appellera Miyabi : élégance et raffinement s’étant développée à l’époque Heian à la cour impériale de Kyoto.

Trois années seront nécessaires pour donner forme sans trahir la non-forme, pour mettre en scène sans dénaturer l’énergie originaire du Gagaku, pour créer – le renouveau – tout en respectant l’ancien. 

Alors que Maître Anzai, ancien directeur principal de la musique à la maison impériale, assiste aux dernières répétitions, il me dit que Miyabi l’a touché et qu’il représente « le renouveau pour que se maintienne la tradition ». Sa présence annoncée fin 2015 au Kakko (le petit tambour du chef d’orchestre et au Ryuteki (la flûte traversière) transcende toute l’équipe, aiguise l’exigence et libère une spiritualité à nulle autre pareille.

Miyabi me permet de prendre conscience combien « le fruit » ne peut rendre à celui qui le goûte la couleur et fragrance de la fleur dont il s’origine. 

Dans l’acte de donner, dans le processus qui mène au performer, à l’apparaître, à la présence se love tout aussi puissamment l’inexorable évanouissement du cheminement, l’enfouissement des détours, des hésitations, des échecs… Pourtant, rien n’a disparu, tout s’est transformé en épaisseur de monde.

Première mondiale : BOZAR, Bruxelles, le 23 janvier 2016

When experience is too dense, intense and intriguing beyond your own imaginings, it requires time before it can be translated into forms of expression other than “personal experience”.

The last week I spent in Japan in November 2015 for the rehearsals and fine-tuning of the Miyabi production proved to be a time of welcome, listening, encounters, sleepless nights, meditation, astonishment, adaptation... a new philosophical furnace which distils presence and absence, life-force and melancholy into their simplest material expression: what is known to some of us as “ART”.

Can there be such a thing as existence without art and the world it opens up and interpenetrates after burning away ancient beliefs?

Intuitively and without ulterior motive, I staged performances of Gagaku for Kitanodai Ensemble in the early 2000s. Connections were made and meaning sidled up to the carapace of the uncanny... Ultimately, I would stage an evening known as Miyabi in 2012 which called upon the elegance and refinement of the Imperial Court of Kyoto during the Heian Period.

Three years were required to give form without betraying the formless, to stage without altering the original force of Gagaku, to create – renew – while respecting ancient tradition. 

As the chief musical director of the Imperial House, Master Anzai, watched the last rehearsals, he let me know that he had been moved by Miyabi and that it represented “renewal in the service of tradition”. The announcement that he would be playing the kakko (the small drum used by the conductor) and the ryuteki (transverse flute) stunned the entire team, sharpened our demands and liberated an unparalleled spirituality.

Miyabi has enabled me to realise how little, when tasted, a fruit can render the colour and fragrance of the original blossom. 

In the act of giving, in the process which leads to performance, apparition and presence is concealed – powerfully – the inexorable fading of the journey and of all delays, hesitations and failures. However, none of them is gone and all have been transmuted into the world’s very substance.

World premiere : BOZAR, 23rd January 2016

Le Gagaku auquel nous vous convions vit officiellement le jour en 701 et connut durant ces 13 siècles à la fois une évolution vers la perfection et un respect profond des rites et de la tradition. Il incarne non pas une forme de divertissement ou de spectacle mais la quintessence du « sacré ».

A l’opposé du Zokugaku, musique populaire, le Gagaku représente ce que nous appellerions la musique classique. Bien qu’existant en Chine et en Corée, il vécut une destinée singulière au Japon où il intégra les mélopées et danses (Bugaku) du Japon ancestral.

Pendant des siècles, il se tint confiné, à l’abri du vulgaire, dans l’enceinte de la cour impériale ou des temples shintoïstes et bouddhistes.

Ce moment n’en devient que plus exceptionnel !

Sonorités

tantôt d’une profondeur lancinante,

tantôt d’une stridence inquiétante,

Gestuelle altière des corps

qui conjugue suspens du temps

propice à la méditation,

représentation symbolique des mouvements de la vie et

puissance des éléments naturels,

Gagaku

nous convoque à nous intonner humblement

à l’énergie cosmique,

à ne pas oublier que nous faisons partie intégrante de la nature

au même titre qu’une grenouille ou une feuille d’érable.

Tout voyageur occidental ayant posé ses valises sur terre nipponne prend conscience dans l’instant qu’il a changé de monde. Nos croyances s’entrelacent à notre manière de vivre en modulant la qualité de l’espace qui préfigure notre habitat.

Le japonais – shintoïste - ressent une profonde unité entre lui, l’humain, la nature et toutes les entités invisibles.

Cette unité s’éprouve comme harmonie, WA, principe fondateur de tous les principes. Adaptation - à autrui, à la situation-, intuition profonde et prévenance forment un des socles de la culture japonaise.

S’adapter n’est possible que pour celui qui s’intonne au souffle vital, à l’énergie ambiante et cosmique – le KI.

Ce n’est pas le plein, le clinquant, le parfait qui s’érigent en maître d’œuvre de la beauté mais plutôt la présence inéluctable du temps, l’impermanence ou caractère éphémère des choses.

Du MUJō s’instaure un style tout aussi singulier WABI-SABI : les choses proviennent et retournent au néant ; la vérité se déploie de l’observation de la nature ; la beauté peut surgir de la laideur ; accepter l’inévitable ; apprécier l’ordre cosmique. Observer, ressentir, s’imprégner, solitaire, de la simplicité, l’imperfection, la fragilité, les traces du temps, l’évanescence, l’intimité, la sérénité…

Cette sensibilité-mélancolique qui s’émeut de la floraison des cerisiers au printemps, des ocres flamboyant des feuilles d’érables en automne, du bruissement du vent dans les arbres, du reflet de la lune dans l’étang, le japonais la nomme « MONO NO AWARE » – pathos des choses - …

Cette esthétique singulière convoque toujours le « MA », cet entre-deux qui révèle l’être des choses par le vide qui les met en tension, l’intervalle qui, au-delà de simplement séparer deux choses dans l’espace, anime leur présence respective, le « MA », distance adéquate entre deux hommes, liaison, mouvement ou encore vide temporel tel la pause. Ce sens typiquement japonais de la justesse des choses, des espaces et des limites intègre les notions fondamentales de néant – MU et de blancs ou vide – KU.

Alors que prévaut en Occident la substance, ce qui est, l’Extrême-Orient privilégiera le cheminement– . La voie ne peut se coaguler en mots ou en discours mais se pratique. Les possibilités sont innombrables. Pour en citer quelques-unes : celle du thé, Chadô, des fleurs, Kadô, de la calligraphie, Shodô ou du bâton, Kendô.

Quelle que soit la pratique, le même objectif, l’illumination – Satori, être libéré de la dualité pour nous ouvrir à l’harmonie.

Tous ces principes ont favorisé à la cour impériale de Kyoto (Période Heian) une élégance raffinée, une grâce paisible et un art de vivre à la pointe de l’excellence, - MIYABI

Puissiez-vous éprouver, au fil de cette soirée, la qualité mystérieuse, impénétrable du YÛGEN : ce qui ne peut être exprimé, une sensation voilée de mystère, d’élégance, de charme et de tristesse contenue, enfouie au-delà des nuages mais néanmoins perceptible par ceux qui ne cherchent pas à la rationaliser.

The Gagaku you have been invited to hear tonight officially saw the light in 701 C.E., and for 13 centuries evolved towards perfection while remaining deeply respectful of ritual and tradition. Far from being a show or entertainment, it represents the quintessence of the sacred.

Unlike Zokugaku, a form of popular music, Gagaku is the equivalent of what the West calls classical music. Although it also existed in China and Korea, it had a singular destiny in Japan, where it was incorporated into ancestral chants and dance (Bugaku).

For centuries, it remained concealed from the common people, within the walls of the Imperial court or Shintō temples.

All this makes this moment all the more exceptional.

Tones

deep and haunting,

strident and uncanny,

Slow, dignified body language

that suspends time,

that encourages meditation,

a symbolic representation of the movements of life and of the power of the elements of nature,

Gagaku

invites us to humbly intone be attuned to the cosmic energy,

not to forget that we form an integral part of nature

as do a frog or a maple leaf.

All Western travellers who lay down their suitcases on Japanese soil are immediately aware that they have arrived in a different world. Our beliefs are interwoven with our lifestyles and modulate the quality of the space that prefigures our habitat.

The Shintoist Japanese experience a profound unity between themselves, humanity, nature and all invisible entities.

This unity is experienced in the form of harmony, WA, the founding concept of all concepts. Adaptation – to other people, to the situation –, profound intuition and thoughtfulness form one of the pillars of Japanese culture.

Only he who harmonises with life breath, and the ambient and cosmic energy –KI­– is able to adapt.

Beauty is not conjured from fullness, brilliance and perfection, but rather by the inescapable presence of time, the lack of permanency and ephemeral nature of things.

From MUJO was born an equally singular style,WABI-SABI things arise and return to nothingness; truth is to be found in the observation of nature; beauty may emerge from ugliness; accept the inevitable; appreciate the cosmic order. Alone, you must observe, feel, drink in simplicity, imperfection, fragility, the traces of time, evanescence, intimacy, serenity...

The melancholy sensibility that is moved by the blossoming of cherry trees in spring, the flaming ochres of maple leaves in autumn, the rustling of the wind in the trees, the reflection of the moon in a pond, the Japanese call MONO NO AWARE, the pathos of things...

This singular aesthetic always calls forth MA, the interval that reveals the essence of things by means of the vacuum that generates tension between them, the interval which, beyond separating two objects in space, animates their respective presences. MA is the appropriate distance between two people, a link, a movement or a moment of emptiness such as a pause. This typically Japanese sense of the fitness of things, spaces and limits incorporates the fundamental concepts of nothingness – MU – and blanks or emptiness – KU.

Whereas in the West substance, being, prevails, the Far East prefers the Way – The Way cannot coagulate into words or speech, but requires practice. There are innumerable possibilities. To mention only a few: tea, chadō, flowers, kadō, calligraphy, shodō, the stick, kendō.

Whatever the practice, the purpose is the same, enlightenment or satori, which releases us from duality and opens us up to harmony.

During the Heian Period, at the Imperial Court of Kyoto, all these principles fostered refined elegance, quiet grace and the art of living at the cutting edge of excellence, MIYABI

Tonight, may you experience the mysterious and impenetrable quality of YUGEN what cannot be expressed, a veiled sense of mystery, of elegance, charm and contained sadness, buried beyond the clouds yet perceptible to those who do not attempt to rationalise it.

The bell is silent

The scent of flowers an echo

Ah, what an evening!

TOURNEE KITANODAI GAGAKU ENSEMBLE 2022   SUISSE & FRANCE

Maître Anzai 

se concentre en méditant

Nouvelle tournée européenne

que je présente à Genève et Paris.


Avoir la possibilité de suivre ainsi 

Kitanodai Gagaku Ensemble

durant une semaine permet de comprendre que,

pour que la quintessence se donne un soir,

le travail, la concentration, l'organisation,

l'esprit de famille, l'excellence, l'exigence 

sont continues.


Plus que jamais, je prends conscience que

le GAGAKU

ne relève pas de la performance, du divertissement

mais du sacré, de l'âme japonaise.


Y être, auprès d'eux, inlassablement,

chaque jour, répétition après répétition, confirme

toute la complexité des processus perceptifs,

combien nous sommes peu ouverts à l'essentiel.


Cette semaine fut une révélation...

MERCI


Le sacré : Venue en présence dans le réel de ce qui ne peut le devenir...

URAYASU NO MAI   - Mme Mineko IGUCHI

Depuis plus de 15 ans, en la présentant,  j'ai pu être au plus près - au côté de la scène - de cette danse.  Observer, contempler, ressentir pour écrire au mieux le petit texte qui permettait au public de s'ouvrir à la beauté, au raffinement, à l'élégance,  à la spiritualité  de ce qu'incarnait Mme Iguchi : Urayasu : un hymne à la paix. Et pourtant, en ce lundi 26 septembre 2022, à Genève, lorsque Mme Iguchi entra sur scène lors de la répétition, se produisit l'inattendu, une coalescence énergétique. Sans le vouloir, s'absenter de soi, s'évanouit la relation sujet-objet, sujet-sujet, percevant-perçu. Plus étrange encore, à chaque fois, chaque jour,  musique, chant, gestuelle et silence entrèrent en synergie pour laisser advenir une pulsation transcendant la finitude, le quotidien : une forme de vacuité.  Au ryuteki, Maître Anzai, s'absenta de lui-même pour ne laisser vibrer que la note dans l'espace résonnant. Cette sensation n'est pas éphémère mais mét-art-morphosante. Merci

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